Elena Ferrante, la prodigieuse saga napolitaine
Avec « Celle qui fuit et celle qui reste », Elena Ferrante nous livre le 3ème volet de sa saga napolitaine « L’amie prodigieuse ». Inconditionnelle de l’Italie, j’ai replongé avec plaisir dans la suite de l’histoire d’amitié très forte entre les amies napolitaines, Elena (Lenù), la narratrice, l’intellectuelle et Lila, l’ouvrière.
Je ne vais pas faire un résumé de l’épopée des 2 héroïnes d’Elena Ferrant arrivées à l’âge adulte mais simplement partager ce que j’ai aimé dans « Celle qui fuit et celle qui reste ».
Une origine commune pour 2 destins très différents
Nées dans le même quartier populaire de Naples, les 2 amies vont par leurs choix se forger un destin très différent. Leur volonté de faire (ou de pas faire) les conduit sur deux voies parallèles et les oppose tant géographiquement que socialement.
D’un côté, Florence et l’Italie du Nord, bourgeoise, cultivée et féministe pour Elena est un moyen d’échapper à sa condition et à son milieu social. De l’autre, Naples et l’Italie du Sud, populaire, mafieuse et brutale, pour Lila qui, elle aussi, va chercher à survivre à sa condition à sa façon sans quitter son quartier mais en battant les cartes à son avantage.
Cette histoire aux destins croisés confirme la puissance des choix dans une vie. Si Lenù était restée et si Lila avait fui …
L’Italie d’Elena Ferrante en toile de fond
J’ai beaucoup aimé voir les personnages évoluer dans une Italie meurtrie entre son climat de violence et l’émergence du mouvement contestataire de la fin des années 60. Avec les bouleversements sociétaux et idéologiques, l’émergence du féminisme et les terribles années de plomb, Elena Ferrante nous entraîne au-delà de la carte postale touristique.
Lenù et Lila s’inscrivent chacune à leur façon dans cette mutation de la société italienne. Parfois, elles la subissent, parfois elles se l’approprient pour tracer leur route.
«Nous vivons une époque décisive, tout est en train d’exploser. Participe, impose ta présence!»
Naples aux 2 visages
Naples, un peu moins présente dans ce tome, apparaît telle qu’elle est encore aujourd’hui. Le quartier de la Via dei Tribunali affiche un visage mafieux entre pauvreté et combinazione. Du haut du Vomero et de Posillipo se mesure la réussite sociale . Le fossé entre quartiers populaires et résidentiels reflète une réalité bien actuelle. C’est ce qui en fait le charme violent.
Une histoire d’amitié dans la rivalité
L’amitié de Lenù et Lila a ses codes bien particuliers. La jalousie tacite de Lina, le sentiment de « subalterne » de Lenù engendre des rapports de soumission malsaine et de culpabilité. Elles restent longtemps sans se voir, juste des » fragments de voix » par téléphone. Puis se retrouvent au premier appel à l’aide. Bref, une histoire d’amitié.
« Je m’étais additionnée à elle et me sentais mutilée dès que je me soustrayais»
J’attends de lire la suite avec impatience pour savoir qui a fait les bons choix et qui des deux est vraiment l’amie prodigieuse.
NB – Le tome IV « L’enfant perdue » d’Elena Ferrante est sorti en janvier chez Gallimard. La version de poche est prévue pour l’automne 2018.